Chasser les agissements sexistes du travail : une lutte qui s’intensifie.

Chasser les agissements sexistes du travail : une lutte qui s’intensifie.
Publié le 5 juillet 2022

Le monde du travail n’est pas encore le temple de l’égalité des sexes.
Trop de femmes et d’hommes sont encore victimes ou témoins de sexisme au travail, lequel se manifeste sous diverses formes : des blagues déplacées, des comportements irrespectueux, voire des pratiques discriminatoires ou harcelantes.
Mais ces dernières années, les agissements sexistes ont fait l’objet d’une attention toute particulière du législateur, afin de les bannir au plus vite de l’entreprise.

 

1. La définition des agissements sexistes.

En droit du travail, la notion d’agissement sexiste a été introduite par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

 

Depuis, plusieurs textes législatifs et réglementaires ont été adoptés, afin de renforcer la lutte contre le sexisme au travail.

 

Bien entendu, cela ne veut pas dire que l’agissement sexiste était impuni avant 2015.

 

Le salarié a toujours eu l’obligation de respecter les personnes qu’il côtoie dans l’entreprise.

 

À titre d’exemple, une Cour d’appel a pu juger en 2013 qu’une claque sur la fesse d’une collègue, tout en lui disant « tu sais que tu pourrais être ma fille », est un comportement que l’employeur est parfaitement en droit de sanctionner.

 

Depuis 2015, l’article L1142-2-1 du Code du travail définit l’agissement sexiste, comme :

« tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

 

Il n’est pas nécessaire que l’agissement sexiste soit répété.

 

L’avantage d’une définition aussi large, est qu’elle permet de sanctionner toutes les formes de sexisme possibles et imaginables, lesquelles peuvent être nombreuses.

 

Une fiche pratique établie par le Conseil supérieur de l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi qu’un guide édité par le Ministère du travail, donnent quelques exemples concrets d’agissements sexistes.

 

Par exemple, est sexiste le fait de :

  • Traiter un homme de « femmelette » ;
  • Conseiller à une femme de demander à son mari de lui acheter des jupes ;
  • Dire à un salarié qu’il devrait faire du sport afin de ressembler à un homme ;
  • Reprocher à l’entreprise d’embaucher trop de femmes ;
  • Raconter des blagues humiliantes ou dégradantes sur les femmes ;
  • Reprocher à une femme avoir obtenu son poste grâce à ses charmes ;
  • Couper la parole d’une salariée alors que ses collègues de l’autre sexe peuvent s’exprimer ;
  • Proférer des expressions familières ou condescendantes (exemples : « ma petite », « ma mignonne », « ma belle », « ma chérie ») ;
  • Mettre en avant une salariée en valorisant exclusivement des qualités en lien avec des stéréotypes ;
  • Souligner ostensiblement l’absence de disponibilité d’une salariée, du fait de sa qualité de mère.

Si ces exemples ne sont pas exhaustifs et n’ont pas de valeur juridique, ils nous aident à y voir plus clair.

 

L’auteur de l’agissement sexiste, par ses propos ou son comportement, met en avant une prétendue infériorité de l’autre sexe, ce qui peut mettre mal à l’aise la personne appartenant au sexe visé par lesdits agissements.

 

Pour illustration, a été jugé comme étant sexiste, le fait de dire à une salariée, « vous êtes le genre de personne à tomber amoureuse de son patron ».

 

Dans cet exemple, la personne victime de tels propos est associée au cliché de la salariée fascinée par les hommes ayant du pouvoir, ce qui sous-entendrait qu’une femme est naturellement soumise. Personne ne voudrait être à la place de cette salariée.

 

Les agissements sexistes se reposent énormément sur des stéréotypes liés au sexe, complètement dépassés et infondés.

 

L’agissement sexiste peut également constituer une mesure discriminatoire en raison du sexe, mesure interdite par l’article L1132-1 du Code du travail.

 

Pour s’en convaincre, le fait pour une salariée d’être insultée de « sac à foutre », peut être un indice de l’existence d’une discrimination.

 

Si l’agissement sexiste est répété, il pourra également constituer un harcèlement moral, lequel est défini par l’article L1152-1 du Code du travail.

 

L’article L1153-1 du Code du travail, précise encore que les actes ou propos sexistes répétés, sont de nature à constituer un harcèlement sexuel.

 

Dans certaines décisions, on peut se rendre compte que des agissements à connotation sexuelle, peuvent également être sexistes, ce qui n’est pas illogique.

 

Des propos ou des gestes en rapport avec la sexualité, peuvent être une manière de faire comprendre à une personne qu’elle n’est qu’un objet sexuel, ce qui est rabaissant.

 

2. La lutte contre les agissements sexistes.

L’agissement sexiste peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire.

 

Outre le fait qu’un tel type d’agissement soit expressément prohibé par le Code du travail, la victime de sexisme au travail peut en souffrir grandement sur le plan psychique.

 

On ne cesse de le répéter : l’employeur a l’obligation de préserver l’intégrité physique et mentale de ses employés.

 

De plus, un agissement sexiste risque de sévèrement porter atteinte à l’image de l’entreprise. De nos jours, les moindres comportements anormaux ou déplacés sont facilement pointés du doigt sur les réseaux sociaux, lesquels peuvent défaire des réputations en quelques clics.

 

Lorsque l’employeur a connaissance de l’existence d’un ou de plusieurs agissements sexistes, il n’aura pas d’autre choix que de sanctionner leurs auteurs (après avoir évidemment enquêté).

 

Comme pour n’importe quel autre comportement fautif, la sanction disciplinaire devra être proportionnée par rapport à la gravité de l’agissement sexiste.

 

Même si notre société accepte de moins en moins le sexisme, ce n’est pas une raison suffisante pour sortir l’artillerie lourde au moindre dérapage. L’employeur devra toujours faire preuve de discernement avant de songer au licenciement.

 

Un seul et léger dérapage sexiste, ne relève pas forcément de la malveillance.

 

Le salarié qui a commis un léger dérapage sexiste, n’a peut-être pas conscience de son comportement fautif.

 

Si ce dernier a toujours travaillé dans des entreprises où la misogynie et le machisme étaient la norme, ce salarié fautif en est aussi la victime, en reproduisant des comportements inadmissibles.

 

Lorsqu’une sanction plus légère que le licenciement (avertissement, mise à pied, etc.), peut suffire à faire prendre conscience à l’auteur d’un comportement sexiste que ce dernier doit modifier son attitude, il est inutile d’être plus sévère.

 

Par exemple, déposer un gâteau en forme de sexe masculin dans la boîte Tupperware d’une collègue, n’est pas suffisant pour justifier le licenciement d’un salarié ayant 15 ans d’ancienneté.

 

En revanche, plus on tombe dans la vulgarité ou le manque de respect, plus la sanction pourra être lourde.

 

Pour preuve, est justifié le licenciement pour cause réelle et sérieuse, le fait d’offrir un godemichet à sa collègue de bureau.

 

Les chansons grivoises et gestes déplacés, peuvent également justifier un licenciement pour faute simple.

 

Si les agissements sexistes sont répétés, le licenciement pour faute grave sera malheureusement la sanction la plus adéquate.

 

La faute grave est par exemple établie, lorsque qu’un salarié profère à plusieurs reprises, sous prétexte de faire de l’humour, des envies d’avoir des relations sexuelles avec des collègues féminins.

 

Il en va de même d’un salarié qui refuse de saluer une collègue, qui dessine un phallus sur son bureau et qui lui demande si elle a eu des rapports sexuels dans les toilettes.

 

L’employeur ne doit pas seulement réprimer les agissements sexistes. Il doit aussi les prévenir.

 

Au titre de son obligation de sécurité et de prévention des risques dans l’entreprise, l’employeur est fortement incité à mettre en place des mesures destinées à éviter au maximum les agissements sexistes.

 

Il n’est pas interdit pour l’employeur d’organiser des séances de formation et de sensibilisation sur le sujet.

 

Les dispositions relatives aux agissements sexistes doivent encore être rappelées dans le règlement intérieur de l’entreprise, lorsque ce dernier existe.

 

Dans toute entreprise employant au moins deux cent cinquante salariés, l’employeur doit désigner un référent, dont la mission est d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

 

Dans toute entreprise où un comité social et économique (CSE) est en place, cette institution doit également désigner un référent dans ce domaine.

Les coordonnées de ces référents doivent faire l’objet d’une information de la part de l’employeur.

 

Conclusion

La lutte contre les agissements sexistes dans les entreprises ne date pas d’aujourd’hui.

 

Certes, on peut déplorer que ce combat passe par un énième empilement de normes législatives et réglementaires, alors que le droit du travail est déjà suffisamment complexe.

 

Toutefois, ce besoin récent de renforcer la lutte contre les comportements sexistes, témoigne d’un message que la société souhaite faire passer.

 

Les comportements sexistes appartiennent au passé mais ils sont encore trop nombreux dans le monde du travail.

 

Plus ils mettront de temps à disparaître, plus les employeurs risquent de faire l’objet de nouvelles contraintes en la matière. Avec le risque de contentieux que cela pourrait générer…